Le marketing de soi nécessite du temps et de l’énergie, il est devenu central dans un monde de lutte des places où il faut être visible, et se différentier tout en étant «compliant ». On le cultive dans ses cercles d’influence avec des méthodes plus ou moins intensives. A chacun ses stratégies de séduction et de prise de pouvoir. Une grosse dose d’engrais par là, une taille par ici, un petit coup de désherbant, chacun tente d’entretenir son jardin. Habiller son parcours pour le vendre est une compétence, on achète un discours « story telling », un concept de soi, on devient « bankable ». Chacun parade, autant pour être choisi que pour se protéger, en adoptant les codes actuels, et cela est nécessaire dans le monde d’aujourd’hui. Mais quand on cherche à promouvoir une image de soi, on fixe aussi l’être que l’on est.

« Pouce ! », c’est ce qu’on disait à la récré quand on était petit et qu’on voulait faire pause. Parce qu’on avait besoin d’y voir clair, de récupérer, de réguler le jeu. Et si nous faisions pouce aujourd’hui pour reprendre notre souffle, observer le jeu de notre vie, et profiter de cet espace pour sentir où on en est de notre être dans le monde ? Que pourrions nous renforcer, lâcher, découvrir, ouvrir … pour nourrir notre sève du prochain printemps ? Est-ce que la trajectoire envisagée il y a quelques années et dans laquelle je suis engagé(e) me convient toujours ? Est-ce bien là que je me sens vivant ?

La vie n’est pas toujours « user friendly », chacun en a une expérience assez claire, n’est ce pas ? Alors comment ne pas en rajouter avant que sonne la fin de la récré? Nous pourrions commencer par cultiver un brin d’innocuité, bien sur vis à vis de notre entourage « primo non nocere », mais surtout être attentif à ne pas se faire de mal à soi-même. Or on se fait du mal quand on se ment à soi-même. Voici venu le temps… d’arrêter de se raconter des salades ?

Au lieu de contempler l’image dans le miroir, fermons les yeux et rapprochons nous de notre pulsation intérieure. Quelles énergies enfouies depuis la nuit des temps demandent à se libérer ? A l’abri du reflet que nous surveillons dans la glace, nous pourrions être surpris, parfois dérangé, parfois émerveillé. Rien que d’y penser, nombre d’entre nous renoncent à regarder de plus prés en eux-mêmes. A moins d’avoir à opérer un ajustement salvateur quand le niveau de tension produit par l’équilibre actuel devient insupportable.

Au delà de nos petits arrangements quotidiens et de notre routine, des stratégies de contrôle (conscientes ou pas) de notre territoire et des personnes qui nous entourent, il nous est possible de contacter des dimensions oubliées, inexplorées, inattendues. Et si on mettait du désordre pour mettre de l’ordre, pour s’arranger autrement avec nos valeurs et nos contradictions ? Bouger vers un nouvel équilibre demande d’être curieux et courageux. Changer de cap, c’est s’avancer sans savoir d’avance où nos pieds nous emmènent. Paradoxalement, accueillir et vivre avec cette intranquillité nous permet d’être en paix.

Vous craignez que votre entourage ne vous accepte pas comme vous êtes, comme vous n’êtes plus ? Etre au–delà de vos engagements divers et de vos habitudes, dire ce qu’il en est en vérité, peut provoquer quelques turbulences désagréables. Mais cela peut aussi soulager l’entourage qui paye d’une manière ou d’une autre votre absence à vous-même. La plupart du temps, vos proches ne vous demandent pas de vous conformer à un idéal, et ne veulent pas être rendus responsables de votre sacrifice. Cessez d’être une ressource Canada dry : une ressource qui a l’apparence de ce qu’elle prétend être sans en avoir les qualités. Plus vous serez connecté à votre être, plus vous rayonnerez autour de vous, et ceux qui vous approcheront en profiteront.

Si nous sommes attentifs à nous mêmes, nous pouvons avancer avec fluidité dans l’impermanence de la vie et en relation avec les autres qui suivent aussi une route qui n’est pas fixe. Notre présence et notre discernement nous permettent de nous adapter au terrain parfois escarpé et trompeur, d’épouser le relief. Mais l’écueil le plus grand est à l’intérieur de nous même, lorsque nous ne savons pas que notre image, l’ensemble des concepts créées à propos de nous, nous égare de nous mêmes.

Que de leurres sur le chemin, dérangez les certitudes et posez-vous la question rituelle de Hunger Games : « Réel ou pas réel ? »